« Lisez, retrouvez le sens de l’essentiel », nous a-t-on dit, au début du confinement. Cela sonnait plutôt comme une bonne nouvelle, et j’étais assez motivée pour tuer le temps dans cet essentiel-là, que je pratique quotidiennement : livres et œuvres d’art. Je n’ai pas pensé qu’il y avait peut-être anguille sous roche ou juste conjuration du sort. Mais à peine confinée, j’ai vite déchanté, perdant complètement le goût des romans, que j’ai pourtant du genre dévorant, en même temps que celui de regarder des œuvres d’art en ligne, bien compulsif aussi. Tout semblait si obsolète, à côté de la plaque, et comme pour beaucoup, impossible de me connecter à d’autres fictions que celle irréelle du moment (j’ai lu depuis que la faculté de se projeter était sans doute censurée par l’emprise de l’événement). C’était long et pas drôle. Impossible de bien tuer le temps. Dans le flux morose de la morbidité statistique, du gel hydroalcoolique et des infos en continu, un rayon de soleil est enfin apparu : j’ai retrouvé le chemin de l’art et du clic en suivant le compte Instagram de Christian Robert-Tissot, dont j’ai (re)découvert les œuvres dans ce contexte stupéfiant. Peut-on être complètement enchanté par la puissance spatiale de la littéralité (GARDEZ VOS DISTANCES, AVOID CONTACT) ? Trembler devant la peinture d’un mot (PANIK, NERVOUS) ? Se délecter de l’évidence conjoncturelle (WHERE ARE WE ? WHICH WAY NOW ?) et de la picturalité joyeuse de nos nouveaux mantras ? Ceux-ci n’ont rien de nouveau évidemment sinon que, généralement relégués aux marges conventionnelles du langage, la situation exceptionnelle leur donne une vigueur inespérée. Christian Robert-Tissot a toujours su tirer un beau parti pictural du fort potentiel visuel/existentiel des formules semble-t-il les plus plates. Elles le restent malgré la situation, et plutôt que de subir sans filets leur alarmante actualité et leur profonde résonnance dans la pleine obscurité de la COVID-19, merci à l’artiste de les avoir de longue date exposées sur le devant de la scène avec toute la clairvoyance et l’humour nécessaires aux œuvres essentielles – YES TO LESS but no to nothing

La Villa du Parc invite cet été en last but not least minute le peintre suisse Christian Robert-Tissot pour un accrochage intitulé VERANDA, du nom de l’espace dans lequel il prend place, en assonance avec l’exposition TAFAA de Chloé Delarue, prolongée jusqu’à la fin du mois de juillet.